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Tribune dans le Monde : L'apprentissage du français est un droit et non un devoir

Prise de parole
05/12/2024

L’apprentissage du français est un droit et non un devoir


De l’avis unanime des personnes concernées et des actrices et acteurs de l’accueil et de l'apprentissage du français, l'accès à la langue du pays où l'on vit, est essentiel pour l'inclusion et la cohésion sociale. Pouvoir communiquer librement, c'est pouvoir exister en tant qu’« être social », être respecté dans sa singularité, et pouvoir entrer pleinement dans la vie de citoyen·ne.


On peut pourtant observer aujourd’hui, une injonction contradictoire de l’Etat : alors que la loi immigration de janvier 2024 durcit les obligations de niveau de français pour l’obtention de titres de séjour, le gouvernement ne prévoit pas d’améliorer en conséquence les formations en français prescrites par l’Office Français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Au contraire, en avril dernier, des restrictions budgétaires ont même été imposées par l’Etat sur ces formations. Elles entraînent aujourd'hui le report de très nombreuses entrées en formation pour les personnes migrantes. Ces restrictions vont avoir un impact fort sur la vie quotidienne, professionnelle et administrative de milliers de personnes. 

De leur côté, les organismes de formations et les associations de proximité, au vu de l’augmentation des demandes d’accompagnement et de la baisse constante du soutien financier de l’Etat, sont de plus en plus mis en difficulté pour offrir aux personnes de bonnes conditions de formation.

Plus d’exigence avec moins de moyens : voici la recette de l’échec annoncé, de la politique d’intégration par la langue de l’Etat. Loin d’être à la hauteur des enjeux de son époque, cette vision n’aura pour effet que d’augmenter la précarité et d’élever des murs linguistiques entre des personnes vivant sur un même territoire.


Pour redonner à l’apprentissage du français son rôle majeur de vecteur de cohésion sociale, un changement de paradigme des politiques publiques en la matière est nécessaire, pour affirmer un droit d’accès pour toute personne à des actions d’apprentissage de la langue, dès l’arrivée sur le territoire des personnes migrantes, sans que cet accès soit soumis à une obligation conditionnant leur présence en France.


Cet apprentissage devrait notamment être facilité et soutenu par l’Etat dès le dépôt de la demande d’asile. De six mois à plus d’un an, le temps d’attente de la réponse à la demande d’asile sans pouvoir ni apprendre le français, ni se former, ni travailler, compromet les perspectives d’une inclusion réussie en plaçant les demandeur·euses d’asile dans une inertie et dans une dépendance subie aux aides de l’Etat. Cette période ouvre pourtant un espace propice à l’apprentissage du français. Cet état de fait est contraire au bon sens pour qui se soucie de la bonne utilisation des deniers publics, comme de l’intégration des personnes en situation régulière. En la matière, la France n’applique toujours pas les normes européennes quand de nombreux pays européens ont mis en oeuvre l’apprentissage de la langue dès la demande d’asile.


Donner l’opportunité aux personnes d’apprendre le français dès leur arrivée contribue largement à leur autonomisation et à leur inclusion. Les études montrent que plus l’apprentissage de la langue est retardé, plus il est difficile. L’obtention du statut de réfugié donne lieu à une accumulation de démarches pour ses bénéficiaires, qui doivent dans le même temps chercher un travail ou une formation ou reprendre des études, trouver un logement, accéder au droit commun, et débuter leur apprentissage de la langue française. Pour environ 61 000 personnes protégées par l’OFPRA en 2023, l’obstacle de la langue complexifie largement l’ensemble de ces démarches.


Associations impliquées dans l’apprentissage de la langue auprès des personnes migrantes, chercheuses et chercheurs, en sociolinguistique, sciences de l’éducation et didactique des langues, fort·es d’expériences et d’expertises plurielles auprès de ce public, nous plaidons pour une vision de l’apprentissage qui ne soit pas synonyme de sélection mais d’émancipation. Nous défendons des parcours de formations conçus en lien avec les structures de proximité où l’apprenant·e et ses besoins sont au centre de la démarche, où ses compétences et ses savoirs antérieurs sont reconnus, afin d’atteindre, pas à pas, le niveau de langue nécessaire à leur vie. 


Nos expériences montrent que la meilleure maîtrise du français passe par des parcours de formations linguistiques de qualité, construites et adaptées en fonction des besoins des personnes tout au long de leur vie, combinées à un accompagnement individualisé et accessibles à toutes et à tous, aussitôt que possible.


Les pouvoirs publics devraient envisager la langue du pays de résidence comme un bien commun et l’apprentissage du français comme un droit et non comme un devoir.


Le devoir sous contrainte d’apprendre le français et d’acquérir un niveau est contre-productif, stigmatisant et discriminant et à rebours des travaux scientifiques. Il instrumentalise le français à des fins de sélection et de réduction du nombre de titres de séjour, ceci aux dépens des personnes les plus vulnérables. 

Pour toutes ces raisons, et dans le souci d’une réelle efficacité des politiques d’inclusion, acteurs et actrices de l’apprentissage du français demandons ensemble :

- la levée des exigences et obligations linguistiques en matière de droit au séjour

- la consécration d’un droit à l’apprentissage de la langue française pour toutes et tous et la mobilisation de moyens pour rendre ce droit effectif, dès la demande d’asile

- le soutien par l'État de parcours individuels de formation de qualité menés au niveau local pour l’apprentissage de la langue


Selon les termes des personnes apprenantes elles-mêmes, dans une tribune publiée par le collectif “Le Français pour toutes et tous” : “Nous sommes très motivés pour apprendre le français, pour reconstruire notre vie ici et participer à la société. Malheureusement, certains d’entre nous se découragent, car nous rencontrons beaucoup d’obstacles pendant notre apprentissage du français.”

Partager une langue commune est un élément majeur du vivre ensemble, donnons-nous les moyens de la cohésion sociale !

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Auteurices :

- Mme. Marianne Bel, coordinatrice nationale des actions linguistiques de la Cimade / Collectif le français pour toutes et tous

- Mme. Anna Cattan, Doctorante en Sciences de l'éducation (Univ. Paris 8, EXPERICE)

- M. Félix Guyon, Délégué général de l'association THOT

- Mme. Delphine Leroy, Maîtresse de Conférence en Sciences de l'Education (Université Paris 8) affiliée à l'Institut Convergences Migrations

- Mme. Irinda Riquelme, Responsable du plaidoyer de JRS France

- Mme. Camila Ríos Armas, Fondatrice et directrice de l'association UniR Réfugiés & Universités

- M. Xavier Thiollet, Co-animateur du collectif Le Français pour toutes et tous

- M. Michel Wanner, bénévole de l'association Welcome 66


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